Innovation agricole : Quel type d’entrepreneurs innovants avons-nous besoin ?

Les défis du monde contemporain évoluent avec l’histoire de l’humanité et font naître une nouvelle classe d’entrepreneurs innovants. Lorsque je me réfère à l’un des premiers articles traitant de l’innovation, rédigé dans les années 1930 par l’autrichien Joseph Schumpeter, expert en économie et science politique. Il désigne l’esprit d’entreprise comme la force créatrice centrale, évoquant un processus de perturbations successives, où l’on fait quelque chose de différent dans l’espoir d’un profit, une destruction créatrice de l’ancien pour réintroduire du neuf.

La typologie des entrepreneurs en tenant compte de l’évolution des concepts est constituée comme il suit : l’entrepreneuriat de marché (pour le profit), l’entrepreneuriat social (pour le changement social), l’entrepreneuriat environnemental (pour la protection de l’environnement). Toutefois, il faut faire remarquer que l’entreprise sociale concentre en son sein des visées sociale, environnementale et commerciale (Coudel E. et al., 2015).

Pourquoi est –il important de parler d’entreprise sociale maintenant ?

Il faut en parler maintenant parce que les défis sociaux et environnementaux ne laissent aucun pays indifférent. Dans le même temps, les politiques publiques, les ONG et les institutions internationales n’appréhendent pas encore ces entrepreneurs dont les leaders poursuivent des objectifs de bien-être sociale, de protection de l’environnement tout en surveillant des marges de profitabilité. L’écart se creuse donc et il est temps de commencer à communiquer sur la question en vue d’identifier puis d’aider ces types d’entrepreneurs restés sur la zone d’ombre du radar.

La zone d’ombre du radar ?

L’entreprenariat social est un nouveau concept peu connu pourtant nécessaire pour une expansion dans notre écosystème actuel. Il existe une catégorie grandissante d’entrepreneurs qui lancent des initiatives pionnières qui se situent explicitement à la croisée des préoccupations sociales, environnementales et de marché (Coudel, 2015). C’est le point X sur la figure suivante.

entrepreunariat-social

Ces types d’entrepreneurs peuvent être seuls (blogueurs, chercheurs, etc.), en groupe (start-up) ou constitué en entreprise, entreprises sociales. Ces entrepreneurs étant en marge des politiques, toutes les innovations de ces derniers sont restées dans l’ombre bien que leur importance soit plus que nécessaire dans la sphère mondiale actuelle.

Dans une conférence, lors de la présentation d’une institution de financement agricole, j’ai demandé à savoir si les procédures de sélection ont pris en compte les entrepreneurs sociaux. J’ai fini par comprendre à travers la réponse à la question posée que le présentateur ignore ce qu’est un entrepreneur social. Parce qu’il répondait que : « Nous n’avons pas de projets pour les cas sociaux ». Un entrepreneur social n’est pas un cas social, c’est un leader et un agent de changement, qui se donne la responsabilité d’apporter sa contribution à l’amenuisement d’un problème social tout en réalisant un investissement et espérant faire du profit.

Il faut faire remarquer que l’entreprise sociale n’est pas à confondre avec la responsabilité sociale des grandes entreprises. L’entreprise sociale se distingue des entreprises classiques parce qu’il ne vise pas la maximisation du profit ; l’entreprise sociale se distingue des ONG par le fait que l’entrepreneur social fait de l’investissement et espère un retour sur investissement, ce qui n’est pas le cas d’une ONG.

Le rôle social et environnemental de ce type d’entrepreneurs

Les entrepreneurs sociaux constituent le type d’entrepreneurs dont les innovations sont utiles aux communautés. Parce que ces entrepreneurs touchent le grand nombre de personne du fait de leur modèle économique et sont préoccupés des questions de préservation de l’environnement. Ces préoccupations (sociale et environnementale) sont aujourd’hui le leitmotiv de la plupart des institutions internationales et des gouvernements.

A titre d’exemple, Amul est une célèbre coopérative laitière indienne. Propriété conjointe de 3,03 millions de producteurs laitiers, elle collecte le lait chez les éleveurs, le transforme en divers produits qu’elle commercialise en Inde et à l’étranger. Amul assure en parallèle le service de fourniture des intrants nécessaires à ses producteurs et offre des formations pour développer leurs compétences. Un autre exemple d’entreprise sociale, c’est Farm Input Promotion Service (FIPS) au Kenya. C’est une entreprise qui fait la promotion de semences et d’engrais en petits conditionnement à destination des paysans pauvres au Kenya. Dans certaines régions du pays, le taux d’adoption des engrais et des semences améliorées reste bas du fait du prix élevé des intrants, seulement disponibles en gros conditionnement. Beaucoup de zones rurales où la demande est faible sont mal desservies par les fournisseurs d’intrants privés. Pour tenter de résoudre ce problème, FIPS a donné un premier coup de pouce à la demande en négociant la fourniture de semences et d’engrais en petits volumes, moins chers à l’achat, auprès d’entreprises productrices d’intrants. FIPS apporte alors des conseils techniques aux agriculteurs pour les encourager à utiliser ces intrants. Pour y parvenir, FIPS joue le rôle d’intermédiaire pour mettre en contact par des réseaux, les paysans et les distributeurs locaux d’intrants, les organismes de recherches publics et les fabricants d’intrants. Fournir aux agriculteurs un accès à la technologie était l’idée de départ, mais FIPS remplit désormais une fonction de tisseur de liens avec les systèmes d’approvisionnement locaux et avec la recherche.

Amul de l’Inde et FIPS du Kenya ne sont que deux exemples parmi tant d’autres partant du mouvement Chikpo des femmes pour la protection de l’environnement en Inde, au système de riziculture intensive (une approche innovante et sobre en intrants de la riziculture), au microcrédit de Mohammed Yunnus du Bangladesh, à la philosophie de la technologie intermédiaire de Schumacher, à la Campaign for Real Ale (« campagne pour la bière véritable ») au Royaume Uni, ainsi qu’à beaucoup d’autres.

Face à cette panoplie d’initiatives aussi innovantes les unes que les autres, ne sommes nous pas en mesure de nous demander « si nous ne nous sommes pas trompés sur ce qui fait réellement avancer l’innovation agricole, au point de n’avoir pas pu voir de remarquables bouillons de créativité ? ».

 

Pour en savoir plus, consulter:

Coudel E. et al., 2015. Apprendre à innover dans un monde incertain : Concevoir les futurs de l’agriculture et la l’alimentation de et disponible dans la bibliothèque de CTA.

Banque Mondiale, 2006. Enhancing agricultural innovation : How to go beyond the strengthening of research systems, Economic Sector Work report, La Banque Mondiale, Washington DC, pp. 149

Dees S. D., 2001. The Meaning of Social Entrepreneurship, Center for the advancement of Social Entrepreneurship (CASE), May 30

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